L’équipe de Mireille Besson au CNRS (Laboratoire de Neurosciences Cognitives, Faculté Saint Charles) et celle de Michel Habib à Résodys publient cette semaine un article princeps sur l’effet de la musique chez les dyslexiques.
Le point de départ de l’étude a été l’observation empirique que les musiciens, enfants ou adultes, obtiennent de meilleures performances sur certaines tâches cognitives, en particulier celles impliquées dans les mécanismes de la lecture. L’étude montre pour la première fois l’efficacité d’une rééducation exclusivement musicale basée sur les connaissances actuelles des bases cérébrales de la dyslexie, à savoir un défaut de mise en place des connexions cérébrales entre les zones traitant les informations sensorielles (auditives, visuelles et tactiles) et les zones contrôlant la motricité, tant au niveau de la parole que des mouvements du corps en général. Or ces connexions ont été récemment révélées comme nettement mieux développées chez des adultes musiciens que dans le reste de la population.
Deux groupes d’enfants dyslexiques, ayant déjà eu plusieurs années de rééducation traditionnelle en orthophonie et psychomotricité, ont été analysés avant et après un entraînement intensif de 18 heures d’ateliers musicaux comportant des exercices d’apprentissage du clavier, des exercices d’écoute des différentes dimensions des sons musicaux et des exercices de perception et de production rythmique à l’aide de percussions et de mouvements du corps. Dans la première étude, les 18 heures d’entraînement musical étaient groupées sur 3 jours successifs, dans la seconde, étalées sur 5 semaines.
Les résultats montrent une amélioration spectaculaire de différentes dimensions du trouble dyslexique, dimensions non spécifiquement entraînées lors des ateliers. Par exemple, une mesure très robuste de la perception des phonèmes de la parole, appelée perception catégorielle, qui est un reflet de la capacité du cerveau à distinguer entre eux de façon très fine les sons de la parole, et qui fait défaut à beaucoup de dyslexiques, s’est améliorée très significativement dans les deux études. En outre, et de manière bien plus directement utile aux rééducateurs et aux enseignants, les enfants dyslexiques enrôlés dans l’étude ont amélioré significativement leurs capacités d’attention auditive, de mémoire à court terme et l’efficience de leur lecture, et ce de façon durable après la fin des entraînements.
Outre le fait qu’elle apporte une explication à l’effet de la musique sur les fonctions cognitives de ces enfants, cette étude incite donc fortement, comme le soulignent leurs auteurs, à préconiser systématiquement l’apprentissage d’un instrument de musique chez les enfants dyslexiques, et ce quels que soient leur âge et leur milieu socio-économique d’origine. Selon le Docteur Michel Habib, l’auteur principal de cette étude, "c’est chez les enfants provenant des milieux les plus défavorisés que la pratique musicale pourrait être la plus efficace. Or ce sont précisément ces couches sociales qui y ont accès le plus difficilement. C’est donc dans ces secteurs que doivent porter en priorité les efforts conjoints des collectivités et de l’institution scolaire qui ont en charge l’organisation des temps scolaires et périscolaires, pour généraliser une pratique qui reste trop souvent considérée comme un luxe superflu, alors qu’elle s’avère un outil de choix tant rééducatif que pédagogique".
Référence : Music and Dyslexia : A New Musical Training Method to Improve Reading and Related Disorders. Front. Psychol., 22 January 2016 | http://dx.doi.org/10.3389/fpsyg.2016.00026